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Conflit israélo-palestinien: quand l'occident perd le monopole de l'histoire et l'hégémonie de ses narratifs

Le conflit israélo-palestinien ne se joue pas seulement à Gaza. Un front numérique et une bataille d'opinion se sont ouverts avec une tendance confirmant désormais, le déclin du narratif sioniste et occidental face à la résistance des médias sociaux et des organisations de société civile.

La rédaction
13:32 - 3/11/2023 vendredi
MAJ: 14:58 - 3/11/2023 vendredi
Yeni Şafak
Crédit Photo: FADEL SENNA / AFP
Crédit Photo: FADEL SENNA / AFP
Joseph Nye disait que :
"À l'ère de l'information, la marque d'une grande puissance n'est pas seulement l'armée qui gagne, mais aussi celui qui raconte la meilleure 'histoire' "
. Si la puissance militaire d'Israël ne peut être niée, elle a désormais du mal à gagner la bataille de l'opinion pour légitimer son massacre à Gaza.

Depuis l'assaut du Hamas le 7 octobre contre Israël, en représailles de la colonisation et des attaques sionistes contre le peuple palestinien et la Mosquée Al-Aqsa, la Bande de Gaza fait l'objet de bombardements incessants et meurtriers. L'attaque de l'hôpital d'Al-Ahli qui aurait fait 500 morts et les bombardements récents du camp des refugiés de Jalabia avec ses centaines de victimes, ont été perçus comme des actes de crimes de guerre, comme il en est devenu l'habitude pour Israël depuis plus de trois semaines en Palestine.


En Occident, les discours des dirigeants, de Biden à Macron, en passant par Scholz ; de certains médias, en l'occurrence américains et français, ont choisi d'adopter le narratif israélien, faisant du Hamas un groupe terroriste à combattre peu importe les moyens et les dommages, même au prix des milliers d'enfants et de femmes palestiniens tués au quotidien à Gaza. Ils partagent tous la même rhétorique, comme s'ils en avaient reçu la consigne de l'Etat sioniste:
"Israël a le droit de se défendre"
, comme si Israël avait besoin des assauts du Hamas pour massacrer des Palestiniens.


La rhétorique occidentale et sioniste s'efforce de légitimer les crimes de guerre perpétrés à Gaza en "bloquant" l'histoire au 7 octobre. Pour rappel, avant cette date fatidique, plus de 200 Palestiniens avaient été tués par les assauts et répressions des sionistes, en 2022 entre l'Est de la Palestine et Gaza. Ce même nombre avait été déjà atteint pour l'année 2023, bien avant l'opération "Déluge d'Al Aqsa" lancée par le mouvement de résistance Hamas.


Impopularité d'Israël: le front numérique et médiatique


Si l'armée israélienne a la capacité de faire disparaitre Gaza de la carte, avec le soutien militaire et financier prépondérant des Occidentaux, sa rhétorique de
"la défense d'Israël"
ne passe plus au sein des peuples. Aux États-Unis, en France, aux Pays-Bas, dans les pays du Maghreb, en Jordanie, en Amérique du Sud, des milliers de personnes manifestent dans les rues pour dénoncer
"les crimes d'Israël"
. En France, le fait que l'Etat assimile presque tout soutien à la Palestine à de l'antisémitisme n'a pas empêché des milliers de manifestants à braver les interdits pour dénoncer ce que certains évoquent même comme
"un génocide"
.

En 2009, plus de 1400 Palestiniens ont été tués lors de la guerre de l'État sioniste contre le Hamas.
Dans plusieurs rapports, les ONG comme Human Rights Watch ont accusé Israël de crimes de guerre sans pour autant que cela ait eu suffisamment d'écho dans le monde.
Mais pour 2023, l'occupation sioniste et les Occidentaux font face à une résistance des médias sociaux qui décortiquent et démentent leur narratif.

Les médias traditionnels, qui ont toujours permis à Israël de légitimer sa colonisation et ses massacres en Palestine, n'ont plus désormais le monopole de l'information. Il y a désormais une démocratisation et une capacité de diffusion décentralisée de l'information, qui ne laissent plus uniquement triompher l'histoire telle que voudraient la raconter Israël et ses acolytes en Occident.


La plateforme X (anciennement Twitter), pourrait-on dire, est devenue le cimetière du narratif hégémonique occidental et du sionisme en particulier. Les vidéos et photos des bombardements israéliens et de leurs impacts effroyables y pullulent instantanément. Les personnalités comme Ursula van der Leyen, Emmanuel Macron ou encore Olaf Scholz, font face à une twittosphère contestataire qui n'hésite pas à ouvrir des fronts contre eux sous leurs publications.


Face à cette nouvelle structuration des relations internationales, certains médias sont même forcés de revoir ou de s'expliquer sur leur ligne éditoriale. La BBC par exemple a refusé de qualifier le Hamas de "groupe terroriste", s'éloignant ainsi d'une tradition propagandiste occidentale qui semble nier au Hamas et à la Palestine le droit à la résistance armée pour l'auto-détermination, telle que prévue par l'ONU.

"Le terrorisme est un mot chargé, que les gens utilisent pour désigner un groupe qu’ils désapprouvent moralement. Ce n’est pas le rôle de la BBC de dire aux gens qui soutenir et qui condamner – qui sont les bons et qui sont les méchants,"
a expliqué John Simpson, le rédacteur en chef du service international de la BBC, habitué des zones de guerre.

Les ONG résistent


Dans son ouvrage, avec le titre révélateur de "Le Diplomate et l’intrus l’entrée des sociétés dans l’arène internationale", Bertrand Badie soulignait l'importance des organismes de la société civile désormais et le fait que les États n'étaient plus seuls dans l'arène des relations internationales. Il faudrait faire désormais avec le rôle de contrôle et d'alerte des organismes, qui peuvent même concurrencer les diplomates et leur vision du monde.


L'État israélien d'occupation fait face désormais plus que jamais à la résistance des ONG et des organismes de l'ONU qui ne se cachent pas de relater et de dénoncer les actes criminels de l'État Hébreu dans la bande de Gaza.
Dans un de ses rapports du 20 octobre 2023, Amnesty International alerte sur les crimes de guerre imputables à Israël à Gaza.

"Tandis que les forces israéliennes intensifient leur attaque dévastatrice contre la bande de Gaza occupée, Amnesty International a recueilli des informations sur les attaques israéliennes illégales, notamment menées sans discrimination, qui ont causé d’importantes pertes civiles et doivent faire l’objet d’une enquête pour crimes de guerre,"
a expliqué l'ONG.

La force militaire semble être en faveur d'Israël et de ses soutiens occidentaux, même si le militaire, comme le souligne Bertrand Badie, n'est plus aussi puissant qu'avant. Il parle d'ailleurs d'
"impuissance de la puissance"
, surtout dans le contexte des guerres asymétriques où des groupes non étatiques utilisent des pratiques de combat non conventionnelles, que les États ont jusque-là eu du mal à maitriser. Mais en dehors de ça, un conflit se gagne aussi sur le terrain du soft power, de la légitimation des actes de guerre.

Aujourd'hui, Israël et l'Occident semblent avoir perdu la bataille de l'opinion face à la résistance des médias sociaux et de la société civile. Un proverbe africain dit :
"Tant que les lions n'auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse ne peuvent que chanter la gloire du chasseur"
. Aujourd'hui, la gloire du chasseur israélien est derrière nous...

Par
ALIOUNE ABOUTALIB LO

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